« Roaaar !... »

Publié le par Mimi

 

 

Jeu d’écriture (numéro 32) sur Maux d’auteur (http://forum.aceboard.net/i-7663.htm) :

 

Thème : « Sors de la cage aux lions ! » (Lalcko*)
Toutes les interprétations sont autorisées. Obligation de faire figurer :

Les yeux revolver (Lavoine*) - Le poignard Cupidon (Karpatt-show*) - Comme un boomerang (Gainsbourg*)
* ne pas tenir compte des compositeurs

 

 

Dans un silence de plomb, les scénarii se succédaient à un rythme époustouflant entre ses tempes. Depuis d’interminables minutes, les liens qui lui sciaient les chevilles et les poignets irradiaient une vive douleur le long de son corps. Recroquevillée, à même le sol humide, écœurée par les relents du bâillon qui enserrait ses mâchoires, Léonie focalisait sa faible énergie sur un seul objectif : sortir de cet enfer.

 

A posteriori, la combine lui paraissait « cousue gros doigts ». Comment avait-elle pu se montrer si naïve et tomber dans un piège aussi grossier ? Pour arrondir de maigres fins de mois, l’annonce déposée sur la vitrine de la confiserie lui avait semblé alléchante : « cherche assistante pour tours de magie… ». Au téléphone, son interlocuteur avait expliqué qu’il lui suffirait de se fondre dans les rangs des spectateurs du cabaret : « Le poignard Cupidon » et de se porter volontaire pour le clou du spectacle : « La cage aux fauves ». Deux heures par soir, rémunérées cinquante euros, Léonie avait spontanément accepté de faire un essai.

 

En fin d’après-midi, devant l’entrée des artistes, située dans une venelle de la capitale, un sombre pressentiment l’avait assaillie en croisant le regard du magicien. Elle en avait fait fi et l’avait suivi jusqu’à sa loge, encombrée d’accessoires. Il lui avait affirmé que les cordelettes avec lesquelles il la ligoterait, étaient truquées. Ensuite, il la ferait entrer au centre d’une cage, occupée par six lions et la ferait disparaître avec eux, en deux secondes, le temps de plonger le théâtre dans le noir. Bien sûr, tout n’était que leurre. Les fauves étaient des hologrammes, feulant en play-back et exactement sous ses pieds, la scène devait s’ouvrir sur une trappe, équipée d’un escalier menant aux coulisses d’où elle réapparaîtrait… miraculeusement !

 

À présent, les paroles de cet Houdini de pacotille, lui revenaient comme un boomerang : « Y’a aucun risque. Et avec des yeux revolver comme les vôtres, les gogos de la salle n’y verront que du feu… ». Sur ce mot, sa vue s’était brouillée, ses forces l’avaient abandonnée…

 

À l’évidence, ce margoulin l’avait droguée ! Son insistance à lui offrir à boire aurait dû l’alerter. Mais l’heure n’était pas aux regrets. Dans l’obscurité du cagibi insalubre, imprégné d’une odeur putride, Léonie devait rester concentrée. Rampant vers la porte de sa geôle, elle sentit un tesson de bouteille et s’en saisit. Munie de ce morceau de verre providentiel, elle lima malhabilement la corde, emprisonnant ses poignets et parvint, à force de patience, à faire céder tous les liens.

 

Hors de la remise, la loge du prestidigitateur-dompteur-prédateur était heureusement vide. Sans perdre un instant, ses jambes, dopées à la poudre d’escampette la conduisirent, à travers des couloirs déserts, jusqu’à la sortie. À l’extérieur, dans la nuit noire, elle se rendit au commissariat le plus proche afin de conter sa mésaventure et porter plainte. Mais contre qui ? Les noms du magicien et du cabaret s’étaient évaporés de sa mémoire. Comme par enchantement. Sans doute un effet pervers de la drogue. Aussi, malgré les stigmates sur ses poignets ensanglantés, les policiers n’accordèrent aucun crédit aux élucubrations d’une vendeuse de chocolats, résidant rue de Sparte et qui prétendait se nommer : Léonie Dasse…

 

Publié dans Jeux d'écriture

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