« Renaissance »

Publié le par Mimi


Jeu d’écriure (numéro 25) sur Maux d’auteur (http://forum.aceboard.net/i-7663.htm) :

« On connaît la fameuse phrase dite par Paul Valéry et rapportée par Breton : « La Marquise sortit à 5 heures ».
Cette phrase résumait tout le mépris de Valéry pour les oeuvres de fiction. Il se refusait à écrire des romans car, s'il l'avait fait, il aurait fatalement été conduit à écrire des phrases aussi peu dignes d'intérêt que « la marquise sortit à 5 heures ». Alors, pour faire un pied de nez à ce fichu emmerdeur qui entendait n'écrire que des choses denses, écrire un texte en commençant par « La Marquise ne sortit pas à 5 heures ».


 

 

La Marquise ne sortit pas à cinq heures. Dès lors, tout doute fut dissipé. Cette absence confirmait l’inquiétante rumeur qui circulait depuis quelques jours au sein du « Tout Paris ». Les curieux amassés devant le prestigieux bâtiment, avaient pourtant espéré jusqu’à la dernière seconde. Mais, la nouvelle était tombée. Peu avant l’heure prévue, un homme aux allures de majordome désuet s’était présenté sur le perron. Sous une pluie de flashs crépitant, il avait annoncé d’une voix triste que l’état de la Marquise était si critique que vraisemblablement, sa prochaine sortie ne pourrait avoir lieu avant plusieurs semaines… voire des mois. Cette information provoqua des remous dans la foule. Aussitôt, une vague de murmures s’insinua, chacun y allant de son commentaire :

« Quel dommage !... Vous l’avez déjà vue, vous ?... Elle doit être bien mal en point pour… »

 

Depuis son arrivée dans la capitale, la Marquise n’avait pas quitté son lit de satin. Enfermée dans la superbe demeure mise à sa disposition par L’État français, elle se recroquevillait chaque jour davantage. Le voyage depuis Londres avait été apocalyptique, de l’aveu même de ses gardes du corps. Mal attachée sur son siège, elle avait été projetée au plafond alors que le jet privé traversait une zone de violentes turbulences. Les ornières rencontrées sur le trajet en limousine blindée entre l’aéroport et Paris intra-muros, l’avaient achevée. Depuis ce choc, elle était méconnaissable. De grands spécialistes s’étaient déplacés d’Amsterdam, Anvers et même New-York pour tenter de la remettre d’aplomb. En vain. Ses trop fréquents déplacements autour du monde, avaient eu raison de sa fragilité. Le mal semblait irréversible.

 

En désespoir de cause, elle se vit emmitouflée telle une antique momie pour repartir au Royaume Uni, son pays d’adoption depuis des années. Cette fois, ses gardes ne la quittèrent pas des yeux, un seul instant. À l’évidence, sa fin était proche. Son teint, jadis éclatant, était étiolé. L’abus de traitements inefficaces avait déformé sa taille incroyablement délicate autrefois et infesté son corps d’une colonie d’impuretés. Ceux qui avaient connu et admiré la beauté de la Marquise, étaient profondément attristés du sort injuste qui la frappait. La Reine d’Angleterre (Herself), ne parvenait pas à se résoudre à cette perte immense. Aussi fit-elle dépêcher un guérisseur, orfèvre en la matière, qui avait la réputation de faire des miracles…

 

Mr Merlin Leroy s’installa donc au château de Goodmington, où la Marquise avait passé l’essentiel de son existence. À force de massages et gommages, il réussit à éliminer les imperfections qui l’avaient enlaidie. Au prix d’une lente rééducation à base « d’auréothérapie », il parvint à re-modeler et affermir ses fines attaches. Après plusieurs mois de soins intensifs, l’enchanteur avait réalisé l’impensable : lui insuffler la vie…

 

En pleine forme, elle put revenir à Paris afin de participer à l’inauguration de l’exposition consacrée à la couronne d’Angleterre qui se tenait au Louvre. Cette fois, la Marquise sortit à cinq heures… Protégée par un écran, résistant à toute effraction, la « Royal Almonda Lear », bague sertie du diamant navette le plus pur du monde, brillait à nouveau de mille feux, sous les yeux éblouis des nombreux visiteurs…

 

 

Publié dans Jeux d'écriture

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C
J'ai bien aimé ce texte à sa sortie (dans ma boîte gmail quand tu m'a permis de le lire ;-)), j'avoue qu'il me plait toujours à la relecture.
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M
<br /> Merci Cath... Merci<br /> <br /> <br />